Vente de Biogaran : la souveraineté pharmaceutique française en question

Le laboratoire Servier cède Biogaran, leader des génériques en France, au fonds britannique BC Partners. Cette vente ravive les craintes sur la souveraineté pharmaceutique, malgré des promesses de maintenir la production et le siège en France.
Le 30 juillet, Servier a annoncé des négociations exclusives avec BC Partners pour la vente de Biogaran, champion français des médicaments génériques. Représentant 30 % des ventes de génériques en France, avec 750 millions d’euros de chiffre d’affaires et 300 millions de boîtes vendues annuellement, Biogaran est un acteur clé du système de santé.
Cette cession, estimée entre 800 millions et 1 milliard d’euros, suscite des inquiétudes sur l’autonomie pharmaceutique française, dans un contexte où la relocalisation industrielle est une priorité. Fondée en 1996, Biogaran commercialise une boîte de médicament sur huit en France et s’appuie sur un réseau de 40 sous-traitants, générant 8 000 emplois indirects. Sa production, à 51 % française et 90 % européenne, en fait un pilier de la chaîne d’approvisionnement.
Cependant, la vente à un fonds étranger, qui avait échoué une première fois en 2024, comme le rappelle l’enseignant-chercheur du CNRS Fabrice Bacchin, face à une levée de boucliers politiques, relance le débat sur la souveraineté sanitaire.
Biogaran, principal fabricant français de médicaments génériques, va être vendu à un fonds britannique.
— Patrice Bacchin (@pat_bacc) July 30, 2025
La vente voulue par le laboratoire Servier avait échoué en septembre 2024, les responsables politiques redoutant une perte de souveraineté sur ces médicaments indispensables.
L’an dernier, la crainte d’une délocalisation vers l’Inde avait conduit Servier à suspendre la cession. Aujourd’hui, BC Partners, déjà présent dans le secteur pharmaceutique avec Pharmathen et Synthon, promet de maintenir le siège et la majorité de la production en France.
Ces engagements ne rassurent pas pleinement. La participation minoritaire envisagée de Bpifrance pourrait offrir un levier de contrôle, mais les critiques persistent. « La France risque de perdre un maillon stratégique de son système de santé », alerte Denis Mayet, journaliste spécialisé. Les récentes tensions autour de la vente d’Opella (Doliprane) à un fonds américain rappellent l’enjeu politique de telles opérations. Le ministère de l’Économie suit le dossier, exigeant des garanties sur l’approvisionnement et les emplois. Servier justifie cette vente par sa volonté de se recentrer sur l’innovation en oncologie et en neurologie, tandis que BC Partners ambitionne de développer Biogaran, notamment dans les biosimilaires et les médicaments sans ordonnance.
Face à la crise du Covid-19 et aux appels à la relocalisation, cette cession illustre les failles des outils juridiques pour protéger les entreprises stratégiques. La finalisation, prévue d’ici début 2026, devra passer le contrôle des investissements étrangers, sous haute surveillance gouvernementale.